Carnet de route

Ambiance électrique sur les Aiguilles d'Arves

Le 15/08/2022 par Olivier Chaix

Cela faisait longtemps que je souhaitais découvrir cette partie de la Savoie que je ne connaissais pas très bien, en particulier le secteur des aiguilles d’Arves que j’avais eu le loisir d’admirer lors d’un de mes stages hivernaux. L’occasion s’est présentée le 15 Août où profitant du week-end rallongé nous avons décidé avec Sabine d’aller voir l’Aiguille centrale de plus près. Le temps en plaine était très chaud et cela correspondait avec notre désir de nous rafraîchir un peu car la météo s’annonçait clémente avec un petit risque d’orage en fin d’après-midi le dimanche. 

Nous voilà donc partis le samedi midi en direction du refuge du même nom (Aiguilles d’Arves) que nous atteignons très rapidement après avoir traversé le très joli village d’alpage d’Aiguilles. Peut-être un peu trop rapidement même car les gardiens qui déjeunaient à notre arrivée au refuge ne nous laissent pas accéder aux dortoirs (mais en contrepartie nous laissent consommer une boisson rafraîchissante et légèrement alcoolisée !). Nous profitons donc de notre temps libre pour aller repérer le chemin d’approche pour le lendemain car celui-ci n’est pas indiqué jusqu’au pied de la voie sur la carte. Nous remontons donc gaillardement la combe des Aiguilles jusqu’à la vue du col du même nom où nous pouvons très bien voir le départ de notre voie pour le lendemain. Le paysage est très joli et nous profitons de la vue sur la vallée avec le soleil couchant mais nous nous empressons de descendre pour ne pas rater le dîner et surtout ne pas se coucher trop tard car nous savons que la journée du lendemain sera longue et fatigante. De retour au refuge nous discutons avec les (très sympathiques) gardiens pour le choix de l’horaire du départ ainsi que les personnes pressenties pour monter au sommet de l’aiguille le lendemain. La météo est indécise mais le mauvais temps est toujours prévu pour le milieu de l’après-midi et nous pensons que nous serons de retour bien avant. Nous dînons avec 6 autres personnes venant d’horizons très différents en discutant de sujets tout aussi différents mais avec une même passion de la beauté de ces paysages savoyards. Nous finissons cette belle journée en allant préparer nos sacs pour le lendemain car compte-tenu de l’instabilité de la météo, nous décidons de partir tôt afin de revenir au refuge le plus tôt possible. 

Le lever est fixé à 4h00 (c’est dur quand on est plus trop habitué !) et nous déjeunons rapidement avec une autre cordée avant de prendre la direction du col des aiguilles. Sabine prend les devants et nous partons les premiers d’un (très) bon pas (que j’ai du mal à suivre). Heureusement que nous avions reconnu le chemin la veille car cela nous fait gagner beaucoup de temps, nul besoin de regarder la carte et nous éteignons même nos frontales profitant de la pleine lune qui nous éclaire en nous montrant le chemin (lorsqu’elle n’est pas cachée par les montagnes). Le ciel est étoilé mais nous voyons arriver quelques nuages que nous croyons encore inoffensifs. Nous voilà au col des aiguilles après 2 heures de marche assez rapide et recherchons notre itinéraire dans la face et identifions rapidement le départ de la voie. Le temps est encore au beau mais des nuages arrivent et ne sont pas inquiétants pour l’instant. Nous avons doublé toutes les cordées durant la marche d’approche et donc ne pourrons pas profiter de leur connaissance de l’itinéraire malheureusement. Nous regardons avec beaucoup d’attention le topo pour trouver au mieux la voie dans ce labyrinthe de vires et de dièdres. Nous avons très bien identifié la première vire du départ et nous la suivons avec attention et précaution (car le terrain est très instable). Nous progressons notre ascension à travers les vires, terrasses, dièdres et arrêtes en suivant scrupuleusement les indications du topo (très bien fait heureusement) et arrivons à la croix sommitale bien plus rapidement que prévu. Heureusement car même si nous sommes en avance sur l’horaire, nous commençons à voir des éclairs au loin et à entendre le tonnerre arriver. Nous profitons de ce beau paysage (malgré les nuages qui commencent à bourgeonner) et j’en profite pour faire quelques photos et me reposer un peu. Sabine est plus inquiète que moi car les éclairs se font de plus en plus présents. Tout d’un coup et à ma grande surprise la croix se met à bourdonner (phénomène dit "des abeilles" qui résulte de l’ionisation de l’air lorsque le champ électrostatique devient très important et annonciateur d’éclairs). Là, je commence vraiment à m’inquiéter (surtout que je tenais la croix à pleines mains quelques minutes auparavant). Nous rentrons le casse-croûte, l’appareil photo et tout notre bazar dans le sac à dos très rapidement en prenant soin de ne pas laisser dépasser d’objets métalliques pointus (piolet, bâtons, …). Nous contournons délicatement la croix qui joue toujours des crécelles (mais pas encore des cymbales !) afin d’entamer la descente avant que les conditions climatiques n’empirent (le mauvais temps était prévu l’après-midi et il est à peine plus de 8h30 !). Heureusement la voie de descente est moins exposée aux éclairs et malgré le parcours d’arêtes les "abeilles" ne nous suivent pas. Nous cherchons notre chemin de descente en essayant de garder la tête froide et en essayant de ne pas paniquer. Heureusement nous arrivons au pied de la face en un temps record (encore une fois) avant que l’orage (de neige) ne s’installe (ouf !). Nous constatons que les 3 autres cordées ont abandonné et sont sur le chemin du retour. Nous réalisons notre chance d’avoir quand même fait ce sommet dans de pas trop mauvaises conditions. 

Lorsque nous arrivons au col nous entendons aussi le bruit d’un hélicoptère qui vient droit sur nous et je lui fais signe que nous n’avons pas besoin d’aide. Malgré mes gestes, un secouriste est déposé et vient à notre rencontre. Je lui explique qu’il n’y a plus personne dans l’aiguille centrale mais ils ont reçu un appel de personnes en détresse dans le secteur, je pense bien sûr à l’aiguille septentrionale (ou tête du chat) qui est aussi très courue. Aussitôt, il rappelle l’hélicoptère pour le reprendre lequel fera ensuite plusieurs tours des différentes aiguilles en vain. Après deux tentatives infructueuses de l’hélicoptère de la sécurité civile, ce sera le tour de l’hélicoptère de la gendarmerie nationale "Choucas 05" de rechercher et de trouver les personnes en difficulté à l’aiguille septentrionale. Nous apprendrons de retour au refuge qu’il s’agissait des gardiens qui se sont fait surprendre (mais partis beaucoup plus tard que nous) sur l’arrête sommitale. Ils ont pris "les abeilles" sous le sommet et ont dû abandonner une grande partie de leur matériel pour descendre le plus rapidement possible avant d’être bloqués sur une barre rocheuse. 

De retour au refuge, nous sommes accueillis par les gardiens (venant juste d’être déposés par "Choucas 05") qui nous ragaillardissent et nous racontent leurs frayeurs (avec leurs cheveux en position verticale lorsque les "abeilles" étaient sur eux !). Avec Sabine, nous nous regardons et réalisons la chance que nous avons eue de ne pas avoir eu à subir la même mésaventure. Cela étant en partie dû au fait d’avoir reconnu la veille la marche d’approche, d’être partis très tôt le matin et aussi à la célérité avec laquelle nous avons fait cette course. 







CLUB ALPIN FRANCAIS BELFORT

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90000  BELFORT
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Activités du club