Carnet de route

Aiguilles de Baulmes avec le CAF des Hautes Vosges
Le 04/09/2021 par Sabine Vaillant
“Une sortie qui n’est pas annulée pour cause de mauvais temps : ça s’arrose !”
Cela doit faire la cinquième année consécutive que je reporte et reprogramme ce week-end qui n’a pu avoir lieu que pour sa première édition en septembre 2014. J’ai dû bénéficier alors de la chance des débutants. Depuis, il y a eu de la pluie, toujours de la pluie, encore de la pluie, une restriction de déplacement à 10 km…
Allez, on y croit : nouvelle programmation du week-end dans le Haut Doubs et aux aiguilles de Baulmes pour l’école d’aventure prévu pour les 4 et 5 septembre 2021. Quelques personnes du CAF des Hautes Vosges me contactent pour s’inscrire à la course d’arête du dimanche mais je leur explique que le week-end et sa course d’arête sont réservés à l’Ecole d’Aventure. Dommage, ce sera pour une prochaine fois. Ils avaient pourtant l’air bien sympathiques.
Finalement, il n’y a pas d’inscrit côté école d’aventure. Le week-end est donc annulé une nouvelle fois. A tous les coups il va faire beau : c’est sûr… Je recontacte à tout hasard le groupe des Hautes Vosges qui répond présent avec enthousiasme.
Dès que les prévisions météo du week-end sont disponibles sur internet, je les consulte en retenant mon souffle... Elles ne sont pas folichonnes. J’aurais dû m’en douter. Ô miracle, le jeudi midi précédent le week-end, la tendance change radicalement. De rares averses sont prévues le samedi après-midi à Pontarlier, pas de pluie le soir et à peine quelques gouttes possibles le dimanche en fin d’après-midi au col de l’Aiguillon à proximité de Baulmes. La sortie est donc MAINTENUE. Ouf !
Tout le monde semblant motivé pour grimper dès le samedi, nous nous donnons rendez-vous par mail à la falaise de la Fauconnière à Pontarlier, pour faire connaissance et « faire de la couenne » avant d’aller au lieu de bivouac.
Hmmm… je n’aurais pas dû regarder de nouveau les prévisions météo le vendredi soir. Désormais, des averses orageuses sont prévues le samedi après-midi à Pontarlier et aux Fourgs. Heureusement, la soirée est toujours annoncée sans précipitation. Les orages étant généralement localisés, nous décidons de tenter notre chance et d’aller à Pontarlier dans l’après-midi. Le dimanche s’annonce lui aussi moins optimiste, avec des risques de pluie dès 13h. Bon, comme il ne pleuvra pas le soir, nous pourrons nous lever tôt et faire si possible les deux arêtes dans la matinée. Le rocher sera peut-être sec de bonne heure.
Olivier et moi partons le samedi après-midi à 14h, très heureux de faire le pari de partir quand même, par un temps estival. Il règne un air de vacances. Il fait un temps extraordinaire avec un ciel bleu azur et une simili-canicule.
Plus nous approchons de Pontarlier, plus le ciel s’obscurcit. S’il ne pleut pas déjà là-bas, cela ne saurait tarder. En approchant de la falaise, nous voyons que la route est partiellement mouillée, ainsi que les voitures sur le parking. L’orage est peut-être finalement déjà passé. Mais il menace encore.
Il y a peu de monde au pied de la falaise et nous retrouvons facilement Jean-Yves, Coralie, Lucie et Damien du CAF des Hautes Vosges.
Ils ont pu faire quelques voies, puis se sont interrompus le temps d’une averse vers 15h et recommencent désormais à grimper. Le rocher n’est plus que légèrement humide.
Nous avons à peine le temps de faire une voie de chauffe, et il se remet à pleuvoir. C’est une pluie légère. Tandis que l’organisatrice se débine pour se mettre à l’abri en attendant que la petite averse passe, les « Hautes Vosges » ne laissent pas leur part au lion et continuent à grimper jusqu’à ce que la pluie s’intensifie. Tout le monde se retrouve alors sous des arbres. Voilà que ça tonne, puis grêle, et pleut en redoublant d’intensité. Finalement cela ne va pas se calmer de sitôt. C’en est fini de l’escalade et nous n’allons pas rester là des heures à attendre une hypothétique accalmie. Nous courrons aux voitures pour aller nous abriter au lieu de bivouac. En redescendant en voiture du site d’escalade, nous constatons que la route s’est transformée en torrent.
Après une petite pause en cours de route dans une fromagerie aux Fourgs, nous nous dirigeons vers le lieu du sapin Président. Il n’est pas censé pleuvoir dans la soirée mais nous commençons à en douter fortement. Il est actuellement 18h. La pluie semble résolument installée dans la région et le ciel est si sombre qu’il ferait presque nuit. Au moins, le site devrait être désert. Maigre consolation…
Que Nenni ! Il pleut comme vache qui pisse au sapin Président et il y a plusieurs groupes de gens installés sur les tables. C’est incroyable. Nous étions seuls la dernière fois alors qu’il faisait beau.
Un groupe assez conséquent fait mine de partir en nous disant de ne pas avoir peur et de nous installer : ils nous laissent la place encore chaude avec des braises dans le barbecue.
Le groupe restant est constitué de 6 néerlandais partis pour effectuer le GR5.
Le lieu est particulièrement confortable et bienvenu vu les conditions météo : une dalle en béton par terre garantissant zéro boue quoi qu’il arrive, d’immenses tables et bancs en bois massif, un petit « muret » en bois tout du long qui doit abriter du vent lorsque l’on est assis, une charpente imposante avec un toit métallique ne laissant passer aucune goutte. Le tout ayant été construit par des bénévoles pour qui nous éprouvons une profonde reconnaissance.
A force d’attendre que la pluie se calme pour vider les voitures et monter le campement, je me retrouve dans un état de semi-léthargie incrédule (« il ne devait pas pleuvoir ce soir… ») et ne vois pas le temps passer. Il se met à faire de plus en plus sombre, et je me retrouve à faire des démonstrations de manips de corde dans la nuit, éclairée par quelques frontales. Pas terrible…
Plusieurs stratégies se côtoient avant le repas : Damien fait un montage à blanc de sa tente afin de la déplacer sous la pluie avec le double toit déjà installé, Lucie installe sa voiture afin de pouvoir dormir à l’intérieur, Jean-Yves et Coralie montent leur tente sous l’abri du sapin président au sec mais sans pouvoir la déplier correctement faute de sardine compatible avec le béton, quant à Olivier et moi, nous attendons la fin du repas pour prendre notre décision.
Nos compagnons du CAF des Hautes Vosges n’étant pas d’un naturel triste et ne manquant pas d’humour, nous passons une excellente soirée. Chacun ayant apporté des choses à partager, nous mangeons bien plus que nous ne nous sommes dépensés dans la journée. Un troupeau de vaches se trouvant derrière une clôture non loin de notre abri, Coralie nous raconte une mésaventure lors de laquelle une tente plantée par temps de brouillard sans aucune notion de l’environnement leur a valu la visite de vaches pendant la nuit et quelques sueurs froides. Et la pluie finit par cesser enfin.
Olivier et moi montons notre tente en grande hâte sans attendre un nouveau caprice du ciel. Et tout le monde se souhaite une bonne nuit sous une voûte céleste enfin étoilée.
Je ne sais pas si c’est dû à l’impression de vulnérabilité provoquée par la simple toile au-dessus de nous, mais je « psychote » légèrement par deux fois avant de m’endormir : des bruits de moteur de véhicules qui semblent proches, approchant et menaçants mais qui doivent être dus à la proximité de la route à vol d’oiseau et à des accélérations pratiquées par des Fangios nocturnes, puis des bruits de clarines pas du tout vers l’enclos repéré le soir mais plutôt à l’opposé et derrière nous… sans aucune conséquence au final.
Nous nous réveillons par une belle matinée ensoleillée. L’ambiance féerique créée par l’évaporation de l’humidité sur l’herbe et par les rayons du soleil au travers de cette petite brume dans la forêt est particulièrement esthétique. Nous l’avons bien mérité après tout.
Nous prenons le temps de manger et de ranger le camp sans nous presser car le rocher doit être trempé à Baulmes. Nous nous payons même le luxe d’aller voir le fameux sapin Président avant de nous en aller. Nous partons enfin et passons la frontière au ralenti sous le regard scrutateur voire inquisiteur de 4 douaniers Suisses qui ne nous demandent finalement rien à part de circuler.
Nous arrivons au parking vers 10h et nous préparons les cordées : Jean-Yves et moi serons en réversible sur la première cordée afin de pouvoir vérifier les relais qui seront effectués par Coralie et Lucie (qui n’a jamais grimpé en grande voie), tandis qu’Olivier fermera la marche en leader fixe pour conseiller la cordée précédente lors des manips de relai. Il est encordé avec Damien (qui débute en escalade mais progresse vite). Je suis le topo Jura Plaisir qui nous fait attaquer la grande arête un peu trop haut du goût des grimpeurs locaux qui nous expliquent où se trouve le départ. L’un d’eux nous accompagne même de sa propre initiative et très gentiment au pied de la voie. Nous nous sentons choyés. La voie semble avoir été totalement rééquipée car elle est notée « so..so » sur le topo mais est équipée « béton » avec moult points et relais chaînés.
Nous progressons lentement mais sûrement. Cette arête étant courte et peu engagée tout en étant un petit condensé de ce qui peut se rencontrer sur ce type de terrain, elle permet de s’entraîner sans trop se mettre la pression. J’explique à Coralie à l’occasion d’un relai où nous nous retrouvons côte à côte que c’est le moment de faire toutes les erreurs mineures qu’il faudra ensuite éviter en connaissance de cause. Et c’est bien ce qui se passe : les sangles qui s’emmêlent au moment d’en saisir une car pas rangées comme il le faudrait… la corde qui descend un peu trop bas et s’approche dangereusement d’un arbuste ou d’un béquet suite à un moment d’inattention lors de l’assurage du second où l’on oublie de la lover sur sa longe ou sur sa jambe… une gestion perfectible du choix des brins à clipper dans les dégaines provoquant un tirage excessif… elle s’en souviendra et tâchera d’éviter tout ceci à l’avenir ou bien saura de comment rétablir la situation si cela se produit néanmoins.
La fin de l’arête devient quasiment horizontale et nettement plus étroite, sans plus aucun « spit » à l’horizon. C’est l‘occasion de poser des sangles sur béquet et de louvoyer entre ces béquets. Si l’on passe systématiquement sur le fil de l’arête, l’ambiance est garantie. C’est ce que je choisis de faire pour profiter pleinement de cette course, au grand dam de Jean-Yves, qui n’est pas encore très à l’aise sur ce genre de terrain.
Le ciel se couvre peu à peu et les chances de pouvoir escalader tout à l’heure la petite arête s’amenuisent. Nous avons quasiment terminé la grande arête lorsqu’il se met à pleuvoir, d’abord légèrement, puis de manière plus persistante, avant que cela ne se transforme en orage. Il y a comme un air de déjà vu…
Nous emportons le matériel à la va-vite et nous nous replions vers les voitures. Nous décidons d’aller de nouveau nous abriter sur le site du sapin président pour trier et ranger le matériel, puis nous restaurer. Il est 15h passé quand nous démarrons les voitures. Voilà pourquoi nous avions si faim…
Nous retrouvons notre abri sous une pluie battante, comme la veille. Nous sommes ici un peu chez nous désormais. Nous profitons de ce dernier moment convivial très agréable. Tout le monde semble enchanté de sa journée. Nous avons même droit à une éclaircie puis à un franc soleil que nous immortalisons par quelques photos de groupe. Nos amis du CAF des Hautes Vosges nous signalent que les « enfants » sont prêts à revenir faire une autre arête si l’occasion se présente.
Ce fut un excellent week-end que j’ai particulièrement apprécié grâce aux qualités humaines des participants et aux bons moments partagés.